Clôture Wall Street : séisme sur les marchés
Les marchés flanchent face à l'incertitude de nouveaux équilibres commerciaux...

Grand chambardement à Wall Street ce vendredi.... Les décisions de Trump sur les droits de douane font souffler un vent de panique sur les marchés américains alors que les différentes places mondiales chancellent. Malgré des chiffres de l'emploi plutôt solides, les grands pieds du marché américain ont fait preuve de fragilité face à un Trump agitateur de l'équilibre mondial.
Plombé par la guerre commerciale de Donald Trump, le S&P 500 plonge de -5,97% à 5.074 pts ce vendredi. Sur la semaine, le repli est très prononcé puisque le S&P décroche de -9,58% ! Même si la relocalisation industrielle est au coeur du discours de Trump, les valeurs industrielles font également preuve de grande fragilité. Le Dow Jones a les genoux qui flanchent de -5,5% à 38.314 pts, décrochant même de-8,78% sur la semaine. Sur un an glissant, l'indice phare de Wall Street est désormais en repli de -1,5%. Le bilan est également catastrophique du côté des valeurs de croissance... Le Nasdaq plonge de -5,82% ce vendredi, à 15.587 pts et coule même de -9,89% sur la semaine glissante. La croissance de 2023 est complètement effacée, puisque sur un an glissant, le Nasdaq Composite recule désormais de -4,07%. Signe de la nervosité ambiante, le Vix, le célèbre indice de la peur, s'envole de +50,93% (+103,37% sur la semaine).
Les monstrueux droits de douane annoncés par Donald Trump exacerbent les craintes d'une guerre commerciale totale, à même de bouleverser l'ordre mondial. Si le président américain s'est dit ouvert à une réduction tarifaire si les pays venaient à offrir des propositions "phénoménales" lors des négociations, le marché s'inquiète désormais clairement des perspectives de la première économie mondiale, les économistes anticipant une hausse des prix aux Etats-Unis et un ralentissement de la croissance, voire une récession.
Les marchés redoutent également une certaine escalade, dans une partie de poker malsaine... Pékin n'a d'ailleurs pas tardé à répliquer. La Chine est la première grande puissance à riposter aux nouveaux droits de douane américains par une série de mesures, notamment des taxes sur toutes les importations américaines et des contrôles à l'exportation de terres rares. Pékin imposera des droits de douane de 34% sur toutes les importations en provenance des Etats-Unis à compter du 10 avril, soit le même niveau que les droits de douane dits réciproques imposés par Trump sur les produits chinois. L'annonce du ministère chinois des Finances ne devrait que renforcer les craintes d'une guerre commerciale généralisée... Pour sa part, l'Europe réfléchit encore à son positionnement, peinant à parler de manière univoque.
"Le marché rejette catégoriquement cette politique tarifaire", a déclaré Ed Yardeni, président de Yardeni Research, sur 'Bloomberg TV'. "J'espère que le message que le marché boursier envoie à l'administration est entendu". "Le marché intègre dans ses prix la perspective d'une récession mondiale", résume George Saravelos, responsable mondial de la recherche sur les devises à la Deutsche Bank, qui estime que seules des annonces de banques centrales ou de soutien budgétaire pourraient stopper la correction en cours.
Dans un discours très attendu à Arlington en Virginie, Jerome Powell, le président de la Banque centrale américaine (Fed) a estimé que les droits de douane mis en place par Donald Trump risquaient d'exposer le pays à une moindre croissance, davantage d'inflation et plus de chômage. "Il devient clair que les taxes sur les produits importés seront significativement plus étendues qu'anticipé", a déclaré Jerome Powell.
Alors que Donald Tump fait valoir des progrès significatifs sur l'inflation depuis son retour au pouvoir en janvier, et via son réseau social Truth presse la FED de réduire les taux, Jerome Powell a dénoncé des "conséquences économiques", qui seront probablement "plus étendues qu'anticipé". Selon le président de la Réserve fédérale américaine, les Etats-Unis devront faire face à "une plus forte inflation et une croissance ralentie", et seront également confrontés à un "risque accru pour l'emploi". Powell préfère donc temporiser : "Il est trop tôt pour dire quelle est la politique monétaire appropriée", estime-t-il.
Alors que Jerome Powell avance à pas feutrés dans une stratégie équilibrée d'orientation des taux, l'écart de vues, voire le bras de fer avec Trump est désormais bien engagé. "Ce serait le moment PARFAIT pour que le président de la Fed Jerome Powell baisse les taux d'intérêt", dit Trump sur son réseau social Truth et de commenter : "Il agit toujours avec du retard mais il pourrait maintenant changer son image, et vite, a-t-il ajouté. Les prix de l'énergie ont baissé, (...) même les oeufs ont baissé", et de conclure de manière assez cavalière : "Baisse les taux d'intérêt, Jerome, et arrête de faire de la politique !".
Désormais, les traders anticipent que la Réserve fédérale américaine procèdera à 4 baisses de taux d'ici la fin de l'année, dont une de 25 points de base dès juin. Selon George Bory, stratégiste en chef d'Allspring Global Investments, "la Fed dispose de moyens considérables pour aider le marché". "Le marché mise désormais sur des baisses de taux supplémentaires, et potentiellement plus tôt", a-t-il dit, ajoutant qu'un assouplissement monétaire en juin semblait désormais acquis. Le spécialiste n'exclut pas une réduction du coût d'emprunt dès le mois de mai.
Dans un tel contexte ambiant, la publication du rapport mensuel de l'emploi n'a eu que peu d'impact sur la tendance des marchés. Les créations de postes non-agricoles se sont établies à 228.000 en mars, alors que le taux de chômage atteint 4,2% (4,1% auparavant). Le consensus se situait à 140.000 créations de postes et 4,1% de chômage... Les créations d'emplois dans le privé sont ressorties au nombre de 209.000 (135.000 de consensus). Le taux de participation à la force de travail s'est établi à 62,5%. Le salaire horaire moyen a augmenté de +0,3% d'un mois sur l'autre, et de +3,8% sur un an, très proche des attentes. Les créations de postes de février ont été revues en baisse à 117.000 contre 151.000 auparavant tandis que les chiffres de janvier ont été revus à +111.000, contre +125.000 précédemment.
Les marchés tablant sur un ralentissement de l'économie mondiale, voire une récession, les cours de l'or noir flanchent. Le baril de brut WTI plonge de -6.39% à 62,36$, signant un reflux de -12,7% sur la semaine. Côté Europe, le Brent de mer du Nord cède -5,43%, à 66,02$ (-11,67% en hebdomadaire).
Du côté des devises, le dollar s'échange 0,9124 euro, en baisse de -1,27% sur la semaine.
L'once d'or fin termine à 3.036$, après avoir touché un plus haut hebdomadaire à 3.167$, jeudi. Le métal jaune prend encore +0,55% cette semaine.
Les valeurs
* DuPont de Nemours (-12,77% à 59,13$). Le régulateur des marchés a annoncé l'ouverture d'une enquête sur le groupe en Chine pour violation présumée des lois antitrust. "Nous avons pris connaissance d'un rapport selon lequel l'Administration d'État pour la régulation du marché de la République populaire de Chine a ouvert une enquête. Nous prenons cette affaire très au sérieux et examinons les allégations contenues dans le rapport", a déclaré un porte-parole de la société.
* Tesla (-10,42% à 239,43$). Le constructeur automobile a annoncé en début de semaine avoir livré 336.681 véhicules lors du premier trimestre, bien en dessous des attentes. Les livraisons du constructeur automobile ont ainsi chuté de 13% sur un an, pénalisées par la controverse entourant les prises de position politiques du directeur général Elon Musk, la concurrence accrue et le vieillissement de la gamme de véhicules électriques du groupe. Les livraisons de véhicules au premier trimestre ont été bien inférieures aux estimations pessimistes de JP Morgan Chase & Co, "confirmant les dommages sans précédent que nous redoutions pour la marque". Le rapport sur les ventes "nous amène à penser que nous avons peut-être sous-estimé la réaction des consommateurs", affirme la banque. JP Morgan s'attend désormais à ce que les bénéfices de Tesla au 1er trimestre chutent à 36 cents par action, en deçà de sa projection précédente de 40 cents et de l'estimation moyenne des analystes de 46 cents. Sur la semaine, la firme d'Elon Musk flanche de -7,61% à Wall Street.
* Citigroup (-8,08% à 557,97$). La finance n'apprécie guère l'incertitude et le manque de visibilité. Les grandes banques américaines, particulièrement sensibles aux risques économiques, se sont également effondrées avec la chute des taux obligataires. JPMorgan Chase (-8,03% à 210,34$), Goldman Sachs (-7,99% à 470,13$), Bank of America (-7,64% à 34,32$), Wells Fargo (-7,23% à 60,93$), US Bancorp (-5,05% à 36,83$).
* Apple (-7,29% à 188,38$). La Chine et Taïwan, pôles mondiaux de la fabrication de puces électroniques et de haute technologie, ont ainsi été frappés de taxes douanières de respectivement 54% et 32%. Les nouveaux pays producteurs comme le Vietnam et l'Inde sont eux confrontés à des taxes d'au moins 26%. Ce scénario est désastreux pour des entreprises comme Apple, qui cède 15,2% cette semaine, Nvidia (-7,36% à 94,31$ ; -13% sur la semaine) et Broadcom (-5,01% à 146,29$ ; -12,63% cette semaine), piliers américains de la technologie, qui s'approvisionnent en composants matériels et utilisent principalement une main-d'oeuvre basée en Asie du Sud-Est. "C'est vraiment le scénario catastrophe pour le secteur technologique, et je ne pense pas que nous ayons vu la fin des ventes, car elles continueront de souffrir jusqu'à ce que nous obtenions plus de clarté ou un changement de politique", affirme à 'Bloomberg' Paul Stanley, directeur des investissements chez Granite Bay Wealth Management.
Les analystes sont globalement déconcertés par la vision de Trump de rapatrier les activités de fabrication aux Etats-Unis, une opération extrêmement coûteuse qui prendrait des années, voire des décennies. Apple, par exemple, pourrait avoir besoin de 3 ans et de 30 milliards de dollars pour transférer seulement 10% de sa chaîne d'approvisionnement de l'Asie vers les Etats-Unis, selon les estimations de Dan Ives, analyste chez Wedbush. Le spécialiste affirme qu'une telle décision entraînerait des " perturbations majeures " et serait vouée à l'échec, compte tenu de la forte hausse du prix des iPhones produits aux États-Unis.
Dans ce contexte d'incertitudes, les marchés, qui entrent dans une phase d'évaluation des risques, surréagissent également en vendant Meta Platforms (-5,06% à 504,73$), Alphabet (-3,4% à 145,6$), Microsoft (-3,56% à 359,84$).
* Amazon (-4,15% à 171$). La firme de Jeff Bezos décroche également. Les marchés estiment qu'un éventuel ralentissement de l'économie américaine et une augmentation des prix liée à la hausse des droits de douane sont de nature à brider la consommation et donc les ventes du géant de la distribution en ligne. Le titre redonne 10,12% sur la semaine.
* Nike (+3% à 57,25$). Le dossier se reprend après un mauvais début de séance. Les détaillants d'articles de sport son particulièrement exposés à l'annonce d'importants droits de douane visant plusieurs grands pays producteurs de chaussures et de vêtements, dont le Vietnam et l'Indonésie... Les Etats-Unis ont en effet imposé un tarif douanier réciproque de 46% sur les produits vietnamiens, de 49% sur ceux provenant du Cambodge, de 32% sur ceux venant d'Indonésie et de 36% sur ceux arrivant de Thaïlande. De quoi remettre en cause les chaînes d'approvisionnement des géants du textile qui profitent des faibles coûts de main-d'oeuvre dans ces pays. Malgré son sursaut du jour, Nike recule tout de même de -9,84% sur la semaine boursière, après un décrochage de -14,5% jeudi.
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