Entretien avec Raphaël Moreau, Gérant du fonds Sextant PME
Groupe Guillin, SES Imagotag, Jacquet Metals, Aubay...
Boursier.com : Les petites capitalisations enchaînent les exercices de sous-performance. 2024 peut-elle être l'année de la fin de ce cycle selon vous?
La sous-performance des petites capitalisations a débuté en mars 2018 et s'est accentuée lors des deux dernières années. Toutefois, si on allonge l'échelle de temps, on constate que la catégorie fait mieux que les grandes capitalisations. Aujourd'hui, on constate que le "derating" est considérable avec un niveau de valorisation de 1,2 fois les fonds propres pour les petites capitalisations européennes, soit un niveau comparable à celui de 2003 après la crise de la bulle Internet ou à celui de la crise de la zone Euro. En 2017, avant le début du désamour actuel des investisseurs, les petites capitalisations se traitaient en moyenne avec une prime de 50% par rapport aux grandes capitalisations, alors que désormais, elles sont valorisées avec une décote de 40%!
Boursier.com : Comment expliquez-vous un tel cycle?
Certains mettent en avant la hausse des taux d'intérêt mais la sous performance a débuté avant le début de la hausse, alors que les taux étaient encore bas. En revanche, le lien est fort entre les petites capitalisations et l'évolution des indices PMI, précurseurs de la croissance économique. Quand l'économie ralentit, les investisseurs sont peu à l'aise avec la classe d'actifs jugée plus risquée. Et force est de constater que l'économie est en ralentissement depuis que les banques centrales ont choisi (logiquement) comme priorité la lutte contre l'inflation. En outre, le Private Equity s'est avéré être un concurrent redoutable pour les petites capitalisations cotées à Paris ces dernières années, en termes de financement et donc de préemption des dossiers.
Boursier.com : Un possible retour de flux positifs sur le segment signera t-il le rebond des petites capitalisations?
Les petites capitalisations remonteront avant le retour des flux dans les fonds qui leur sont consacrés, c'est ma conviction, car il y a beaucoup d'autres intervenants. Le rebond pourrait d'ailleurs être brutal en raison de la faiblesse de la liquidité sur certains titres. Il est difficile de donner un timing à ce rebond, et nous jugeons pertinent d'être exposés au segment. Le véritable signal du rebond sera donné par le redressement des indicateurs PMI aujourd'hui toujours très faibles validant le rebond de l'économie de la zone Euro. De façon générale, bon nombre de sociétés sont en très bonne santé, avec des bilans sains car peu endettées, rentables avec des bénéfices qui continuent de progresser plus rapidement que ceux des grandes capitalisations. Le nombre important d'OPA témoigne en outre de la faiblesse des valorisations.
Boursier.com : Quelle a été la performance de Sextant PME en 2023?
+6.7%, soit nettement mieux que son indice de référence le MSCI EMU Micro Cap (-2,9%). La performance annualisée sur 5 ans ressort à +9.8%, contre +3,4% pour l'indice de référence. En ce début d'année, la cartographie du fonds fait ressortir une exposition à la France pour moins de la moitié du fonds (44%), la Suède (presque 20%) et l'Allemagne (14%) étant deux pays importants de Sextant PME. L'industrie (20%), les Services aux entreprises (19,6%), la Technologie (11,3%) sont les trois secteurs les plus représentés. La première ligne du fonds demeure Groupe Guillin (4,7% fin 2023), devant les Allemands Kontron (3,9%) et SAF Holland (3,9%), et les Suédois Prevas (3,8%) et Knowit (3,5%).
Boursier.com : Quelques mots sur des titres du top 10 de votre portefeuille...
Groupe Guillin qui subissait des craintes exagérées il y a 3 ans était un investissement très anti-consensuel qui a fini par payer, les résultats 2023 de l'entreprise sont attendus à un niveau record. Même si le titre a fini l'année en hausse de 11%, SES Imagotag a été volatile en 2023 compte tenu du mega-contrat Walmart mais aussi d'un rapport de vendeur à découvert qui a causé une panique sur le titre. De notre côté nous continuons d'apprécier les nombreuses qualités du leader mondial des étiquettes électroniques de gondole et avons pu saisir l'année dernière les opportunités liées aux grandes variations sur le titre. Au dernier trimestre nous avons fortement renforcé Aubay, une position historique dans le secteur des services informatiques. Fait rarissime, ce bon élève a émis un avertissement sur ses résultats et le titre a subi de très forts dégagements. Nous tablons sur le sérieux de l'équipe de direction pour redresser la rentabilité dans les mois qui viennent. Enfin, Jacquet Metals a le vilain défaut d'être une société cyclique et d'évoluer donc dans un contexte actuellement morose, néanmoins la société s'est enrichie fortement en 2021 et 2022 (doublement des fonds propres) et le titre n'a pas réagi. Appréciant la qualité du dossier, nous sommes investis compte tenu que la société dispose d'un bilan très solide et ne perd pas d'argent en général même en bas de cycle, et convaincus qu'une reprise cyclique finira par arriver un jour ou l'autre.
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