A la Cour de cassation, l'influence de Vincent Bolloré sur Vivendi en question
Avec son influence, son autorité, Vincent Bolloré contrôlait-il de fait Vivendi lors de sa scission en 2024? Non, a plaidé mardi son avocat devant la Cour de cassation. A l'inverse, des actionnaires minoritaires ont estimé son contrôle bien effectif, dans un "théâtre d'ombres".
La Cour, saisie par les sociétés Bolloré et Vivendi, doit pour la première fois se prononcer sur la notion de "contrôle de fait" d'une entreprise. Elle rendra vendredi sa décision, très attendue par le monde des affaires et les juristes.
Concrètement, il s’agit pour la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire de décider "si le contrôle de fait exercé par les personnes physiques ou morales sur une société s'apprécie uniquement sur la base des droits de vote dont elle dispose en assemblée générale ou s'il faut tenir compte d'autres critères d'influence sans forcément de lien direct avec les droits de vote", a exposé le président de la chambre commerciale, financière et économique Vincent Vigneau.
Mardi matin, la Grand'chambre était comble pour ce dossier technique aux lourds enjeux financiers. Si les magistrats ne lui donnent pas gain de cause, M. Bolloré, premier actionnaire, s'expose en effet à devoir indemniser les petits actionnaires de Vivendi, à hauteur de plusieurs milliards d'euros.
Le milliardaire conservateur était absent à l'audience mais présent dans toutes les têtes. Il a une "notoriété indéniable" et une "crédibilité", mais "convaincre n'est pas contrôler", a fait valoir l'avocat de sa société, Emmanuel Piwnica.
"Qui contrôle Vivendi ? (...) Il est constant que Bolloré ne contrôle pas Vivendi", "ni en droit ni en fait", a déroulé Me Piwnica, à l'unisson de l'avocat de Vivendi, Alain Bénabent.
Mais le défenseur du fonds Ciam, actionnaire minoritaire qui a contesté l'opération de scission de Vivendi, a pris l'image du "rideau" dans le théâtre d'ombres, qui cache le principal acteur. Me Patrice Spinosi a ainsi demandé de "faire prévaloir la réalité sur l'apparence" dans la vie des affaires.
Et selon lui, "Vincent Bolloré exerçait bien un contrôle de fait" sur Vivendi au moment du découpage du conglomérat en décembre 2024 en quatre entités cotées: outre Vivendi, Canal+ (médias), Havas (communication) et Louis Hachette Group (édition).
"Faisceau d'indices"
Le fonds Ciam avait saisi l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour trouver une issue équitable.
Initialement, le gendarme français des marchés avait estimé que la société Bolloré ne pouvait "pas être considéré(e) comme contrôlant Vivendi". Elle détenait un peu moins de 30% de son capital, soit en dessous du seuil requis pour lancer une offre publique de retrait du marché (OPR), un rachat d'action réclamé par une partie des petits actionnaires.
La cour d'appel de Paris avait ensuite demandé en avril à l'AMF de réexaminer sa décision. La cour avait en effet pris en considération un "faisceau d’indices", en soulignant "l’influence" particulière de Vincent Bolloré sur les actionnaires, compte tenu notamment de son autorité personnelle et de sa personnalité.
L'AMF avait donc décidé en juillet que la société Bolloré et l'entrepreneur breton étaient "tenus au dépôt d'un projet d'offre publique de retrait" des titres Vivendi dans un délai de six mois.
Mardi, la première avocate générale Irène Luc, dont le rôle est de défendre la bonne application de la loi, a considéré que la cour d'appel avait "enfreint les termes clairs du Code du commerce". Elle préconise de "casser" cet arrêt d'avril, ce qui serait favorable à la société Bolloré.
L'avocat de l'industriel a relevé le risque pour la "sécurité juridique" des entreprises en cas de décision contraire.
Mais c'est "un épouvantail", a opposé Me Spinosi pour le fonds Ciam. Un autre fonds est partie à l'affaire, Independent franchise partners, afin également de faire valoir le droit des investisseurs.
Vivendi pèse aujourd'hui environ 2,5 milliards contre près de 9 milliards avant la scission qui, quelle que soit l'issue, n'est pas remise en question.
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