Budget: entre la "surenchère fiscale" et les attentes de la gauche, Lecornu sur un chemin toujours plus étroit
Après l'adoption à l'Assemblée nationale de taxes visant les grandes entreprises, le gouvernement et la droite s'alarment d'une "surenchère fiscale", rendant le chemin de crête de Sébastien Lecornu toujours plus étroit d'autant que la gauche attend toujours des mesures sur les "ultra-riches", taxe Zucman ou autre véhicule.
"La justice fiscale a laissé place à la surenchère fiscale", a mis en garde mercredi le ministre de l'Économie Roland Lescure.
Dans la ligne de mire du macroniste, le vote mardi par une alliance de la gauche et du RN d'un "impôt universel" sur les multinationales.
Cette mesure, qui vise à taxer les bénéfices des multinationales proportionnellement à leur activité réalisée en France et lutter contre l'évasion et l'optimisation fiscale, pourrait rapporter 26 milliards d'euros au budget de l'État, selon ses défenseurs.
"Des multinationales en France, avec des outils pour mettre des bénéfices dans les paradis fiscaux, payent moins d'impôt (proportionnellement) que par exemple un boulanger", a argumenté la présidente des députés LFI Mathilde Panot.
"En gros, Starbucks (souvent cité comme cas emblématique de l'optimisation fiscale, NDLR) paiera enfin 25% d'impôt en France", a renchéri le RN Jean-Philippe Tanguy.
Mais pour le ministre, ces mesures "isolent la France et l'exposent à une fuite des sièges sociaux". Elles seraient en outre "inapplicables" car "incompatibles avec les 125 conventions fiscales bilatérales signées par la France".
Autre mesure votée largement, cette fois-ci avec le bloc central, le doublement de la taxe Gafam, qui cible les grandes entreprises de la tech, passant de 3 à 6% en dépit de l'opposition du gouvernement, inquiet d'éventuelles représailles commerciales de l'administration Trump.
M. Lescure peut au moins se réjouir que "ses appels à la prudence" aient été entendus, les députés ayant initialement soutenu en commission un taux de 15% en miroir des droits de douane infligés par les Américains.
Mais le vote de ces taxes a poussé le président des Républicains (LR), Bruno Retailleau, à dénoncer mercredi une "folie fiscale".
L'ancien ministre de l'Intérieur a également critiqué une hausse gouvernementale de deux milliards d'euros de la surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises. Mais le gouvernement répond qu'il s'agit de financer des amendements... LR supprimant le gel du barème de l'impôt sur le revenu et défiscalisant l'intégralité des heures supplémentaires.
En tout cas, ce "choc fiscal" rend le budget "encore moins votable qu'hier" aux yeux de M. Retailleau qui juge "le coût de la stabilité politique exorbitant".
A l'issue du Conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a relativisé ces votes, rappelant qu'on n'est "qu'au tout début du processus parlementaire". "Les votes qui ont déjà eu lieu ne sont pas la copie finale", a-t-elle assuré.
Amendement de compromis ?
M. Retailleau pense d'ailleurs que la première partie du budget sur les recettes "sera refusée par l'Assemblée" et donc que ce sera le Sénat "qui devra reprendre la copie".
Mais les députés LR s'aligneront-ils sur leur président sénateur après avoir déjà pris leurs distances avec lui ces dernières semaines sur la censure ?
Devant la presse mardi, le rapporteur général LR du Budget, Philippe Juvin, s'était ainsi montré moins alarmiste: "On est sur un budget qui garde un équilibre qui est à peu près celui du texte initial, donc ce n'est pas la catastrophe".
La fiscalité va continuer d'alimenter les tensions dans les prochains jours, cette fois-ci à travers la discussion prévue a priori vendredi sur les patrimoines des très riches.
Du fait de l'opposition résolue du bloc central, de la droite et du RN, la taxe Zucman aura du mal à être votée, que ce soit dans sa forme initiale (un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros) ou modifiée (3% à partir de 10 millions d'euros, mais en excluant les entreprises innovantes et familiales).
Si Sébastien Lecornu, qui pourrait assister aux débats lui-même, s'est dit opposé à "toucher à la vache" (le patrimoine professionnel), il ne s'est en revanche pas opposé à discuter du "partage du lait" (les revenus générés).
D'autant que le PS menace l'exécutif de censure s'il n'évoluait pas sur le sujet.
Un amendement de compromis pourrait donc être encore présenté par le gouvernement au moment des débats. "Il y a encore du travail", a indiqué Mme Bregeon.
Selon un cadre socialiste, un compromis est possible entre la taxe proposée par le PS, l’impôt sur la fortune financière réclamé par le RN et la taxe sur les holdings défendue par le bloc central.
parl-far/lum/tes
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