BHV: derrière le scandale Shein, un grand magasin dans la tourmente

La bronca suscitée par l'arrivée de Shein au Bazar de l'hôtel de ville (BHV) complique encore la donne pour l'emblématique grand magasin parisien, fragilisé par des retards de paiement qui ont fait fuir plusieurs fournisseurs et inquiètent les salariés.
En novembre, la marque de mode ultra-éphémère Shein doit s'installer au sixième étage de l'établissement ouvert en 1856 au coeur de Paris, en vertu d'un accord dévoilé la semaine dernière par le géant asiatique et la Société des grands magasins (SGM), qui a racheté le fonds de commerce du BHV aux Galeries Lafayette en 2023.
"Profondément choquée" par l'accueil d'une marque régulièrement accusée de pollution environnementale et de conditions de travail indignes, la cofondatrice d'AIME (cosmétiques), Mathilde Lacombe, a annoncé dans la foulée son départ du BHV Marais, tout comme d'autres marques tricolores (Culture Vintage, Talm, etc.).
Mais plusieurs fournisseurs avaient déjà plié bagage, à l'instar du Slip Français, absent du BHV depuis quinze jours, après dix ans de collaboration.
"C'est un partenaire en qui on n'avait plus confiance", a déploré auprès de l'AFP le fondateur de la marque de sous-vêtements, Guillaume Gibault, invoquant "plus d'un an d'impayés" pour lesquels des "procédures" judiciaires sont "en cours".
"La relation commerciale a toujours été fructueuse jusqu'à l'arrivée de SGM", foncière commerciale créée en 2021 par deux trentenaires frère et sœur, Frédéric et Maryline Merlin, a-t-il ajouté. "Notre +corner+ (espace dédié à une marque où les achats sont encaissés par le BHV, puis reversés moyennant une commission, ndlr) a continué à fonctionner commercialement (...) mais on a tout de suite eu de gros problème d'impayés", souligne Guillaume Gibault.
"Bonne décision"
L'accord avec Shein "n'a fait que confirmer qu'on avait pris la bonne décision", ajoute-t-il.
De même, Maison Lejaby (sous-vêtements) est partie du BHV la semaine dernière. "Les tribunaux vont être saturés d'injonctions de payer", a prédit sur Linkedin son directeur général, Xavier Martin, évoquant des "centaines de fournisseurs français" lésés.

Farrow & Ball (peinture et papier peint), Swarovski (bijoux) ou encore American Vintage (vêtements) ont également quitté le navire, les thés Mariage Frères ont suspendu leurs ventes et d'autres sociétés ne livrent plus de marchandises, ont indiqué à l'AFP les syndicats CFTC, CFE-CGC, CGT et Sud-Solidaires.
Sollicitée par l'AFP, la SGM assure elle, comme en septembre 2024, que les retards de paiement, de plusieurs millions d'euros, sont transitoires. En cause, selon elle, la mise en place d'un nouveau système de comptabilité automatisé.
"Le BHV est redevenu rentable en 2024", assure la SGM qui réfute que ces retards soient liés à des "problèmes de trérorerie".
Mais les difficultés se reflètent dans les rayons vides et allées clairsemées du grand magasin, qui emploie directement 750 salariés, en particulier dans le bricolage et en papeterie.
"Désamour"
"Comment peut-on servir les clients s'il n'y a pas de produits?", s'indigne une vendeuse du BHV qui a souhaité rester anonyme, après avoir renvoyé un chaland vers une enseigne concurrente, faute de pouvoir lui fournir l'article recherché. "C'est comme ça toute la journée", ajoute-t-elle, triste de de voir partir une "clientèle de quartier fidèle".

"On sent qu'il y a un désamour, il y a moins de monde", abonde Christine Rollet, pré-retraitée de 66 ans et habituée du BHV, qui ne reviendra plus "très souvent", "frustrée" de ne pas trouver "ce qu'elle veut".
La fréquentation pourrait encore baisser avec l'arrivée de Shein, redoutent les syndicats.
Autre motif d'inquiétude, le sort des murs du BHV, évalués à 300 millions d'euros et que la SGM doit racheter aux Galeries Lafayette avec l'aide de la Caisse des dépôts.
Problème: le groupe public a déclaré ne "pas cautionner" l'alliance avec Shein.
"Si cela fait capoter le rachat des murs et qu'il (Frédéric Merlin) n'a pas de solution derrière, Shein ou pas, il n'y aura plus de BHV", s'alarme Florine Biais (CGT).
Le géant asiatique doit aussi s'installer dans cinq magasins en région, estampillés Galeries Lafayette mais exploités par la SGM.
Mardi, une intersyndicale CFDT-FO-CFE-CGC a exprimé son refus du projet, que le groupe Galeries Lafayette a promis d'empêcher.
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