Budget: entre la "surenchère fiscale" et les attentes de la gauche, Lecornu sur un chemin toujours plus étroit
Après l'adoption à l'Assemblée nationale de taxes visant les grandes entreprises, le gouvernement et la coalition gouvernementale s'alarment d'une "surenchère fiscale", rendant le chemin de crête de Sébastien Lecornu toujours plus étroit face aux demandes de "justice fiscale" de la gauche.
"La justice fiscale a laissé place à la surenchère fiscale", a mis en garde mercredi le ministre de l'Économie Roland Lescure.
Le Premier ministre s'est lui inquiété devant les sénateurs d'une déconnexion entre le débat fiscal et "la question économique générale et globale".
Dans leur ligne de mire, le vote mardi par une alliance de la gauche et du RN d'un "impôt universel" sur les multinationales.
Cette mesure, qui vise à taxer les bénéfices des multinationales proportionnellement à leur activité réalisée en France et lutter contre l'évasion et l'optimisation fiscale, pourrait rapporter 26 milliards d'euros au budget de l'État, selon ses défenseurs.
"Pas honteux"
Pointée du doigt par la droite pour son soutien à la mesure, Marine Le Pen s'est défendue devant l'Association des journalistes parlementaires.
"On voit bien qu'il ne s'agit pas là de taxer, il s'agit juste de faire respecter la loi. Et puis accessoirement l'éthique et la morale", a expliqué Mme Le Pen, estimant de manière générale que "pour l'instant, ce qui a été voté" à l'Assemblée dans le cadre de l'examen du budget de l'État n'est "pas honteux, contrairement aux hurlements du gouvernement".
Pour Roland Lescure, la mesure est "concrètement inopérante et inapplicable", et "incompatible avec les 125 conventions bilatérales signées par la France".
Mercredi matin, le président de LR Bruno Retailleau a dénoncé une "folie fiscale", le chef des députés MoDem Marc Fesneau estimant lui que le texte "devient totalement invotable".
Sous couvert d'anonymat, un cadre Renaissance tempère, soulignant que la mesure n'est "pas un motif de rejet à ce stade", précisément en raison de son caractère "inapplicable".
Autre mesure votée largement, cette fois-ci avec le bloc central, le doublement de la taxe Gafam, qui cible les grandes entreprises de la tech, passant de 3 à 6% en dépit de l'opposition du gouvernement, inquiet d'éventuelles représailles commerciales de l'administration Trump.
M. Retailleau a également critiqué une hausse de deux milliards d'euros de la surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises, cette fois-ci sur proposition du gouvernement. Mais ce dernier répond qu'il s'agit aussi de financer des amendements... LR supprimant le gel du barème de l'impôt sur le revenu et défiscalisant l'intégralité des heures supplémentaires.
En tout cas, ce "choc fiscal" rend le budget "encore moins votable qu'hier" aux yeux de M. Retailleau qui juge "le coût de la stabilité politique exorbitant".
A l'issue du Conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a relativisé ces votes, rappelant qu'on n'est "qu'au tout début du processus parlementaire". "Les votes qui ont déjà eu lieu ne sont pas la copie finale", a-t-elle assuré.
Amendement de compromis ?
M. Retailleau pense d'ailleurs que la première partie du budget sur les recettes "sera refusée par l'Assemblée" et donc que ce sera le Sénat "qui devra reprendre la copie".
Sous couvert d'anonymat, plusieurs cadres de la coalition gouvernementale disent s'attendre à ce qu'il n'y ait "pas de budget" et que le gouvernement doive se contenter d'une "loi spéciale", qui lui permet de reconduire en 2026 les impôts et dépenses de 2025.
Autre option: l'adoption d'un budget par ordonnances, comme l'autorise la Constitution si les délais d'examen du texte sont dépassés, et comme s'en inquiète le RN.
Les groupes politiques ont accepté de retirer une partie de leurs amendements afin d'accélérer les débats.
La fiscalité va continuer d'alimenter les tensions dans les prochains jours, cette fois-ci à travers la discussion prévue vendredi ou lundi sur le patrimoine des très riches.
Du fait de l'opposition résolue du bloc central, de la droite et du RN, la taxe Zucman n'a guère de chance d'être votée, que ce soit dans sa forme initiale (un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros) ou modifiée (3% à partir de 10 millions d'euros, mais en excluant les entreprises innovantes et familiales).
Un amendement de compromis pourrait donc être encore présenté par le gouvernement au moment des débats. "Il y a encore du travail", a indiqué Mme Bregeon.
Certains macronistes imaginent même un scénario où le PS renonce à une mesure emblématique sur le patrimoine et se contente d'un éventail d'augmentations d'impôts permettant d'expurger le budget de ses baisses de dépenses les plus irritantes pour lui.
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