Les indices boursiers ont leur nouveau jouet : la biodiversité
Notre « conscience climatique collective » est née il y a 10 ans, à la suite des Accords de Paris de 2015. C’est à ce moment-là aussi que la finance « durable » est passée de l’ombre à la lumière. Elle a démocratisé l’ESG, inventé les « externalités négatives » et innové.
Notre « conscience climatique collective » est née il y a 10 ans, à la suite des Accords de Paris de 2015. C’est à ce moment-là aussi que la finance « durable » est passée de l’ombre à la lumière. Elle a démocratisé l’ESG, inventé les « externalités négatives » et innové.
Elle a d’abord lancé des fonds généralistes ESG où la sélection de titres ne se faisait plus selon les perspectives des entreprises et leurs valorisations mais selon le score ESG qu’elles obtenaient de la part d’agences de notations aux méthodes toujours complexes et souvent obscures.
Elle a ensuite innové en lançant des fonds dédiés à notre conscience climatique. Des fonds énergies renouvelables, transition énergétique, circularité etc. sont devenus des « hits » immédiats et les encours de ces stratégies se sont envolés.
Ce qui était une opportunité d’investissement légitime s’est transformée en bulle spéculative avérée. Et la suite n’a pas déçu. Les perspectives se sont assombries et beaucoup de ces cours de bourse se sont effondrés aussi vite qu’ils étaient montés.
L’essor de la finance durable a entraîné des excès et le mot « greenwashing » a été inventé. Pour y remédier, les régulateurs se sont penchés sur le sujet et ont imposé beaucoup de règles et de ratios à la finance, les plus connus en Europe étant le SFDR et les Articles 8 et 9. Mais l’opportunisme a toujours un coup d’avance, et si les régulateurs ne rajoutent pas une dose de bon sens, d’autres exemples d’excès et de commercialisation abusive sont inévitables.
On peut déjà anticiper le prochain problème, la biodiversité. Pour la finance, l’opportunité est séduisante, c’est l’occasion de se renouveler après avoir tiré parti du thème du climat. Le parallèle avec les Accords de Paris existe, ce sont les Accords de Montréal de 2022 où plus de 190 pays signataires se sont engagés à stopper le déclin de la biodiversité d’ici 2030, notamment en protégeant 30% des espaces terrestres et marins.
Comme pour le climat, l’étape suivante est l’innovation financière avec la création d’un nouvel écosystème autour de la biodiversité : indices dédiés, agence de notation et fonds thématiques. Ce phénomène est déjà à l’œuvre et les premières tendances montrent que le risque d’un nouveau greenwashing est réel. Il suffit de voir la composition des premiers indices biodiversité pour savoir que, si rien n’est fait, l’intégrité de la finance sera de nouveau questionnée.
Standard & Poor’s par exemple, gestionnaire du S&P500, a développé un indice biodiversité qui a notamment pour objectifs d’avoir « 30% de moins d’impact sur la planète » et la moitié seulement de l’exposition aux entreprises les plus dépendantes de la nature. L’approche est intéressante mais le résultat n’est pas probant et contradictoire avec ce que le bon sens associe à la biodiversité. Dans le top 10 de l’indice biodiversité de S&P on trouve : Microsoft, Apple, Nvidia, Amazon, Alphabet, Meta, Tesla, TSMC.
Euronext, un autre exemple de fournisseur de données, a développé son propre indice biodiversité dans lequel on retrouve dans le Top 10 : Tesla, Visa, Mastercard, ASML, Salesforce et Netflix.
Aucun épargnant, quel qu’il soit, ne pense à ces entreprises quand il pense à la « biodiversité ». Ces indices ne sont qu’une « image optimisée » des indices classiques et le résultat n’a aucune cohérence avec l’objectif initial : financer des solutions et des entreprises dont le cœur de métier est de restaurer la biodiversité.
Cette pratique fait non seulement du tort à la finance mais aussi à l’économie. Le régulateur devrait s’intéresser de plus près à ces indices car leur influence est démesurée. En effet, la gestion passive, qui ne cesse de collecter et qui représente la moitié des capitaux investis sur les marchés actions, suit ces indices. Et la gestion active aussi, puisque les régulateurs lui demandent d’utiliser des indices comme benchmark de sa performance.
Il en résulte que les indices conditionnent l’intégralité de l’allocation de capital aux entreprises cotées. S’ils ont des défauts de conception, l’allocation de capital sera dysfonctionnelle. Le bon sens voudrait qu’un indice n’ait le nom « biodiversité » que si, instantanément, à la lecture des principaux poids de l’indice, chacun comprenne que ces entreprises ont pour objet principal de commercialiser des produits et des solutions dédiés à la biodiversité. Ce n’est évidemment pas le cas actuellement.
L’exemple de la biodiversité illustre un défi bien plus large. Les indices boursiers sont devenus la plaque tournante de la finance moderne. Ils dirigent le capital et façonnent les offres commerciales. Si le régulateur veut justifier la confiance de l’épargnant, il n’a d’autre choix que de lui garantir que les indices reflètent fidèlement les promesses qu’il fait.
Article rédigé par Laurent Chaudeurge, responsable ESG
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