Entretien avec Andrea Tueni, Responsable des activités de marchés chez Saxo Banque
Les marchés sont beaucoup plus exigeants avec la Tech US. Les derniers résultats de Nvidia en témoignent...

Boursier.com : Comment analysez-vous les deux premiers mois boursiers aux Etats-Unis et en Europe?
A.T. : Depuis le début de l'année, l'Europe surperforme les États-Unis, ce qui peut surprendre au regard des performances de l'année 2024. Les principales raisons pour expliquer cette bonne tenue des marchés européens sont les suivantes : une saison de résultats d'entreprises solides qui a agréablement surpris les investisseurs; l'absence de mesures concrètes contre l'Europe sur les droits de douane; un effet de rattrapage sur les actions européennes qui avaient été chahutées en 2024 et qui ont largement sous-performé les marchés américains. Aux États-Unis, le secteur de la Tech qui a, en grande partie, alimenté la hausse des marchés en 2024 connaît un début d'année plus compliqué. Un indice Bloomberg équipondéré sur les valeurs dites " les sept magnifiques " fait état d'une baisse de 10 %, autrement dit, une correction. La situation de l'économie américaine avec une inflation qui persiste et une confiance des consommateurs en baisse pèse sur les indices. Les prises de position imprévisibles de Trump et l'impact potentiellement inflationniste de sa politique (droits de douane, politique migratoire) créent un sentiment d'incertitude qui n'est pas bon pour la tendance.
Boursier.com : Quelles conditions pour que l'Europe boursière poursuive sur sa lancée...?
A.T. : Pour que l'Europe continue son bon début d'année, il faudra plusieurs catalyseurs qui se réalisent, comme : un cessez-le-feu en Ukraine, bien que la prime de risque soit assez faible, la politique de taux de la BCE, un rebond des indices manufacturiers, une baisse des prix du gaz naturel, un plan solide de stimulus de la part de la Chine, une augmentation des dépenses publiques en Allemagne et bien sûr une politique tarifaire modérée de la part de Trump et des États-Unis.
Boursier.com : Le début de rotation des grandes valeurs "techs" américaines vers le reste de la cote mais aussi vers l'Europe, peut-il se confirmer?
A.T. : Les marchés sont beaucoup plus exigeants avec la Tech. Les derniers résultats de Nvidia en témoignent : les marchés ne se contentent plus de résultats en ligne avec le consensus, ils en veulent beaucoup plus pour justifier ces niveaux de valorisation. Malgré tout, le thème de l'IA reste un énorme levier de croissance et sera encore sûrement une thématique centrale en 2025. L'effet DeepSeek, qui a eu des conséquences négatives pour les grands noms de la Tech, pourrait avoir des effets bénéfiques sur le long terme, rendant l'IA plus accessible et permettant aux entreprises d'accélérer l'automatisation, la personnalisation et l'efficacité. Les gagnants du dossier DeepSeek pourraient au final être les sociétés déjà investies dans l'IA. Des entreprises comme Meta, Walmart, Netflix, Salesforce ou encore Intuitive Surgical, déjà bien investies dans l'IA, pourraient profiter d'un effet multiplicateur en débloquant de nouvelles capacités.
Boursier.com : Attendiez-vous une aussi bonne séquence de publication de résultats de la part des sociétés cotées à Paris? Tout du moins pour ce qui est des grandes entreprises pour le moment...
A.T. : La saison des résultats en France et en Europe, de manière générale, a été plutôt positive. Les entreprises ont tiré profit de l'accalmie sur l'inflation. Le CAC 40 est essentiellement composé d'entreprises très tournées vers l'international, ce qui a constitué un facteur de soutien important. Le secteur de la finance a tiré son épingle du jeu, alors que le luxe a affiché des résultats plus mitigés.
Boursier.com : N'en fait-on pas trop sur les 'Tariffs' de Trump? Le chiffre d'affaires des entreprises cotées à Paris, susceptible d'être concerné est relativement faible...
A.T. : Le marché se montre prudent vis-à-vis des droits de douane, mais on remarque qu'il y a moins d'impact violent lors de grandes annonces. Les dernières déclarations de Trump sur la mise en place de droits de douane de 25 % sur le secteur automobile européen n'ont pas provoqué de vague incontrôlée. Les marchés semblent accepter le fait que Trump se serve des droits de douane comme d'un levier de négociation pour obtenir ce qu'il veut. La mise en place de droits de douane généralisés contre la Chine, l'Europe, le Canada ou encore le Mexique ne pourra pas être sans conséquence sur l'économie. Il va falloir s'habituer à un monde déglobalisé, beaucoup plus protectionniste. Les droits de douane que veut mettre en place Trump sont utilisés pour plusieurs raisons : sécurité nationale, levier économique, génération de revenus, ce qui indique un changement structurel sur le long terme de l'économie, obligeant les investisseurs à adapter leurs stratégies pour se concentrer sur l'économie domestique, l'indépendance énergétique, la défense et la cybersécurité, ainsi que sur la gestion de l'inflation et des pressions sur les coûts.
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