Ecatepec, ville mexicaine entre peur et soif de justice face à l'extorsion

En juillet, des commerçants de la ville mexicaine d'Ecatepec, excédés, ont roué de coups un homme qui menaçait de brûler leurs magasins s'ils ne se laissaient pas racketter. Mais la peur reste omniprésente, car des gangs organisés sévissent en toute impunité.
"La Chokiza", une bande pourtant accusée par les autorités de meurtres et d'extorsions, propose ouvertement des services "de protection" dans un local à côté d'un marché.
"Rejoignez cette grande famille", est-il écrit sur une affiche mentionnant également une offre de "conseil juridique".
"Ils sont censés vous protéger en échange d'une certaine somme", explique à l'AFP une commerçante de 53 ans derrière son étal, dans cette ville du centre du Mexique.
Quand ce type de paiement sert non pas à se prémunir d'une menace extérieure mais à éviter un possible préjudice de la part du gang lui-même, ou qu'il permettrait, il s'agit d'une forme d'extorsion.
"La Chokiza" fait également sa pub au travers d'un compte Facebook avec pour logo une caricature d'un Jésus-Christ à moto.
Certains stands du marché arborent eux sur leur devanture un autocollant "Résistance civile pacifique", nom derrière lequel se cache, selon les autorités, un autre groupe criminel qui pratique l'extorsion.
Dans de nombreux pays d'Amérique latine, les entreprises et petits commerçants en sont victimes.

Au Pérou, les habitants ont maintes fois exprimé leur exaspération face à ce racket permanent, réclamant aux autorités d'agir avec plus de fermeté.
Au Mexique, la présidente Claudia Sheinbaum se félicite d'une réduction du taux d'homicide, mais reconnaît ne pas avoir réussi à faire de même avec l'extorsion.
Elle promet de durcir les peines et de promouvoir une ligne téléphonique pour des dénonciations anonymes auprès de la police.
De l'exaspération à la peur
À Ecatepec, faubourg de Mexico de 1,6 million d'habitants où 90% de la population affirment ne pas se sentir en sécurité, boulangers, mécaniciens et vendeurs en tous genres racontent à l'AFP être contraints de cracher au bassinet.
Favorisée par l'impunité et l'inaction des autorités face à ces mafias qui agissent sans retenue, l'extorsion a gangréné une partie de l'activité.

A bout de nerfs, un groupe de commerçants a roué de coups en juillet un homme qui menaçait d'incendier leurs boutiques, selon des vidéos publiées sur les réseaux sociaux.
Secouru in extremis par des policiers, il est maintenant poursuivi pour extorsion.
Mais cette poussée de colère a laissé place à la peur.
"On n'a rien à dire, on veut plus rien savoir", a répondu un commerçant excédé par les questions de l'AFP, qui a appelé la police pour faire partir les journalistes.
Au cours de la dernière décennie, plus de 2.000 cas de justice par soi-même ont été recensés au Mexique, selon une étude de l'Institut technologique de Monterrey. Là aussi, l'impunité est presque totale.
En 2023, une embuscade tendue à un groupe de maîtres-chanteurs par des habitants de Texcaltitlan, également dans l'Etat de Mexico, a fait 14 morts.
"Terreur"
Néanmoins, les choses bougent à Ecatepec. Alejandro Mendoza, chef de "La Chokiza", a été arrêté le 12 septembre lors d'une grande opération policière. Quelques jours auparavant, il se pavanait dans une vidéo, se vantant d'avoir "plus de 10.000" membres.

L'extorsion revêt des intérêts divers. Comme en Colombie, elle est pratiquée au Mexique par des groupes de narcotrafiquants car elle leur permet de générer de l'argent liquide, d'après des chercheurs.
Mais il existe une kyrielle de profils, avec des petits malfaiteurs qui menacent et extorquent à distance, parfois depuis l'intérieur des prisons.
"Leur arme, c'est un téléphone portable", dit à l'AFP Alfredo Almora, responsable de l'aide aux victimes auprès du Secrétariat fédéral à la Sécurité.
"Ils instaurent une telle terreur" que "ça te traumatise", témoigne auprès de l'AFP la commerçante de 53 ans rencontrée sur le marché, victime de cette pratique il y a huit mois.
La peur de dénoncer n'est pas le seul frein. Parfois, la police elle-même est soupçonnée d'être au service des groupes criminels. "On ne leur fait plus confiance", déplore la vendeuse.
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