Le luxe "made in Italy" bousculé par des enquêtes sur ses sous-traitants
Le monde feutré du luxe italien est bouleversé par une série d'enquêtes sur des conditions de travail dégradantes chez des sous-traitants dans le pays, le gouvernement dénonçant des attaques contre le très prisé "Made in Italy".
Salaires de misère, ouvriers qui dorment dans l'atelier pour fabriquer des articles vendus des milliers d'euros: des enquêtes menées par les procureurs de Milan ont révélé un grave manque de supervision des chaînes d'approvisionnement.
En conséquence, cinq grandes marques de mode - parmi lesquelles une filiale d'Armani ele spécialiste du cachemire Loro Piana (groupe LVMH) - ont été placées temporairement sous administration judiciaire depuis 2024.
Mercredi, les avocats de la société de maroquinerie de luxe Tod's devaient se présenter devant un juge pour tenter d'échapper à une interdiction temporaire de publicité, après avoir été accusés de faire fabriquer dans ces conditions les uniformes de leurs équipes.
Le gouvernement italien est passé à l'offensive pour défendre ses marques: le ministre de l'Industrie Adolfo Urso a déclaré que la réputation des marques italiennes était "attaquée".
Il a proposé un certificat pour les entreprises de luxe leur permettant de montrer que leurs produits sont conformes à la législation en vigueur – une mesure que les critiques ont qualifiée de sans effet, en partie parce qu'elle est volontaire.
Conditions "dégradantes"
Le procureur de Milan Paolo Storari a mis en lumière avec ses enquêtes le côté sombre de l'industrie du luxe. À ce jour, les enquêtes ont aussi ciblé la filiale italienne de Dior et le maroquinier Alviero Martini, et les procureurs ont suggéré que d'autres enquêtes pourraient suivre.
Les procureurs ont déclaré le mois dernier que Tod's – dont les mocassins en cuir peuvent coûter plus de 800 euros – avait "parfaitement conscience" de l'exploitation de sous-traitants chinois.
Tod's aurait ignoré ses propres audits révélant des horaires de travail prolongés et des salaires trop bas – avec des travailleurs payés jusqu'à 2,75 euros de l'heure – ainsi que des zones de couchage au sein des ateliers considérées comme "dégradantes" par les procureurs.
En vertu de la loi italienne, les entreprises peuvent être tenues responsables des infractions commises par des fournisseurs agréés.
Les défenseurs des salariés de la mode dénoncent des abus depuis des décennies. Les fournisseurs "sont à la merci de ces grandes marques qui imposent leurs conditions commerciales, avec des prix trop bas qui ne permettent pas de couvrir tous les coûts", a déclaré à l'AFP Deborah Lucchetti, coordinatrice nationale de la Clean Clothes Campaign en Italie.
Les fournisseurs de premier rang se tournent alors vers d'autres sous-traitants, imposant des conditions toujours plus strictes, ce qui conduit à abuser de leurs employés, en majeure partie émigrés.
Dans un contexte de ralentissement du luxe et de hausse des coûts de production, ces petites et moyennes entreprises ont fermé par dizaines de milliers ces dernières années, selon les représentants du patronat.
Selon les procureurs, Tod's et Loro Piana ne pouvaient pas ignorer qu'un de leurs principaux fournisseurs externalisait toute sa production – étant donné que le fournisseur ne disposait d'aucun équipement de production, comme des machines à coudre.
Image de marque
Leur image de marque étant attaquée, certaines maisons ont tenté de rassurer. Elles ont par exemple coupé les liens avec des fournisseurs en les blâmant pour avoir dissimulé des abus.
Prada a invité des journalistes la semaine dernière dans son usine de Scandicci, près de Florence (centre), montrant la transformation étape par étape du cuir souple en sacs à main de luxe.
Interrogé sur les enquêtes, le directeur marketing du groupe Prada Lorenzo Bertelli, qui a également pris les rênes de Versace, a déclaré que la production n'avait jamais été une arrière-pensée pour l'entreprise. D'autres dirigeants du secteur, a déclaré Bertelli, ne considèrent cependant pas que la production est de "leur responsabilité", "et cela a conduit à beaucoup de choses que vous avez lues dans les journaux", a-t-il commenté.
Prada ne divulgue pas la part de sa production réalisée en interne, mais affirme qu'elle est la plus élevée de l'industrie. Sur 25 usines appartenant à Prada, 23 sont en Italie, et le groupe mène une "bataille constante" avec inspections et contrôles pour garder une chaîne d'approvisionnement propre, selon Lorenzo Bertelli.
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