Stewart Rhodes, de la défense des "libertés" à celle, en armes, de Donald Trump

Le fondateur de la milice des "Oath Keepers", Stewart Rhodes, illustre le glissement de l'extrême droite américaine, passée de l'opposition radicale au gouvernement fédéral à la défense farouche et en armes de Donald Trump.
Cet ancien militaire de 58 ans a été condamné jeudi à 18 ans de prison pour "sédition", la peine la plus sévère, à ce jour, liée à l'attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole.
Dans un ultime baroud, il s'est présenté comme "un prisonnier politique", allant jusqu'à se comparer avec le dissident soviétique Alexandre Soljénitsyne, avant d'être sèchement recadré par le juge Amit Mehta, en charge de son dossier.
"Vous représentez une menace persistante et un danger" pour les Etats-Unis, a assené le magistrat.
Pour son épouse Tasha Adams, qui se bat depuis 2018 pour obtenir le divorce, Stewart Rhodes "s'était créé une sorte de personnage mythologique: il se voyait comme une sorte de figure historique et en quelque sorte, ça a eu lieu" avec l'assaut contre le siège du Congrès.
Avant ce coup de force, Stewart Rhodes a un parcours atypique: enrôlé dans l'armée après le lycée, il retrouve vite la vie civile après un mauvais saut en parachute. Autre accident: en 1993, il se blesse avec un pistolet et perd son oeil gauche. Il porte depuis un cache-oeil noir distinctif.
Après avoir renoué avec les études, vivant grâce au salaire de strip-teaseuse de son épouse, il décroche un diplôme de droit de la prestigieuse faculté de Yale, mais s'établit dans le Nevada, loin des grands cabinets d'avocats rémunérateurs.
Férocement opposé à un Etat fédéral jugé oppressif, il écrit sur des blogs libertariens et participe en 2008 à la campagne présidentielle du chef de file de ce mouvement, Ron Paul.
En armes
Après la victoire du démocrate Barack Obama à la présidentielle, Stewart Rhodes forme son propre mouvement. Son objectif: recruter des hommes et femmes dotés d'une expérience militaire ou policière, prêts à "tenir leur serment" ("keep their oath", en anglais) de "défendre la Constitution contre tout ennemi étranger ou intérieur".
A l'époque, il s'agit de protéger les libertés individuelles - comme le port d'armes - contre le pouvoir fédéral. Stewart Rhodes martèle qu'il ne s'agit pas d'une "milice", que la violence ne doit être utilisée qu'en dernier recours.
Peu à peu, un glissement s'amorce. Il crée des équipes avec des entraînements paramilitaires. En 2014 et 2015, elles sont notamment déployées dans l'ouest près de propriétaires de ranchs en conflit armé avec le gouvernement.
Autre virage en 2016. Comme d'autres mouvements radicaux, les Oath Keepers - qui comptent désormais quelques milliers de membres - sont galvanisés par l'arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump, dont ils partagent les thèses complotistes.
Vêtus d'uniformes militaires et en armes, ils sortent au grand jour en 2020 lors des manifestations contre les restrictions imposées pour endiguer la pandémie de Covid-19, puis lors de la vaste mobilisation antiraciste de l'été pour, disent-ils, protéger les commerces des pillages.
"Guerre civile"
Conquis par Donald Trump, Stewart Rhodes s'affiche à des meetings pour sa réélection et refuse, après le scrutin, de reconnaître sa défaite.
"On ne pourra pas s'en sortir sans une guerre civile", écrit-il en novembre 2020 à ses partisans, avant d'entamer les préparatifs pour bloquer le transfert du pouvoir. Pour lui, il s'agit de "patriotisme".
Selon l'acte d'accusation, il dépense des milliers de dollars pour acheter des armes, qu'il stocke près de Washington, et organise le transport de militants dans la capitale où, le 6 janvier 2021, les élus du Congrès doivent certifier la victoire du démocrate Joe Biden.
Le Jour J, par messagerie chiffrée, il donne ses ordres, sans entrer lui-même dans le Capitole. "Il est très bon pour faire prendre tous les risques aux autres", a commenté sa femme dans le Los Angeles Times.
Cela n'aura pas suffi à le protéger de la justice. Jeudi, le juge Mehta a pris en compte son rôle de "chef" pour justifier la sévérité de la peine retenue contre lui, et n'a donné "que" 12 ans à un de ses lieutenants, entré lui dans le Capitole.
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