Géorgie: affrontements entre manifestants pro-UE et policiers devant le Parlement
Des affrontements ont eu lieu dans la nuit de samedi à dimanche à Tbilissi devant le Parlement géorgien entre la police et les manifestants pro-européens qui protestaient, pour la troisième soirée consécutive, contre la décision de repousser les discussions sur l'adhésion du pays à l'UE.
La majorité des manifestants ont quitté précipitamment la place du Parlement autour de 02H00 locales (22H00 GMT samedi), chassés par les canons à eau de la police.
Des dizaines de personnes couraient dans les rues, toussant et s'essuyant les yeux en raison du gaz lacrymogène utilisé pour les déloger.
C'est le même scénario "à chaque fois", a estimé un manifestant de 28 ans, Mate Damenia. Habitué des manifestations, il dit n'avoir jamais été blessé. Mais "la plupart" de ses amis ont reçu des blessures au visage ou au corps, souvent causées par des balles de caoutchouc de la police, selon lui.
"Nous avons voté pour l'Union européenne, pour la liberté, pour les droits humains. Et que fait notre gouvernement? L'exact inverse", a regretté Ani Bakhtouridzé, 32 ans, criant pour se faire entendre au milieu de milliers de personnes réunies samedi à Tbilissi.
Le parti au pouvoir, Rêve géorgien, a remporté fin octobre les élections législatives, dénoncées par l'opposition comme entachées d'irrégularités.
Les dernières protestations ont été provoquées par la décision du gouvernement, accusé de dérive autoritaire prorusse, de repousser les discussions sur l'adhésion de ce pays du Caucase à l'UE à 2028.
Des centaines de fonctionnaires, notamment des ministères des Affaires étrangères, de la Défense et de l'Education, ainsi que des juges, ont publié des déclarations communes en signe de protestation.
Quelque 160 diplomates géorgiens ont critiqué cette décision, estimant qu'elle était contraire à la Constitution et conduisait "à l'isolement international" du pays. De nombreux ambassadeurs géorgiens ont démissionné en signe de protestation.
Des manifestations ont éclaté dans de nombreuses villes de Géorgie et plus d'une centaine d'écoles et d'universités ont suspendu leurs activités.
"Transition stable"
Jeudi et vendredi, des manifestations nocturnes avaient déjà rassemblé plusieurs milliers de personnes à Tbilissi et dans d'autres villes. La police dit avoir interpellé près de 150 personnes en deux jours pour "désobéissance" et "vandalisme", tandis qu'au moins 42 policiers ont été blessés.
Le service d'enquête spécial de Géorgie a annoncé avoir ouvert une enquête sur des "allégations d'abus d'autorité par la violence des forces de l'ordre contre des manifestants et des représentants des médias".
La présidente pro-européenne du pays, Salomé Zourabichvili, en rupture avec le parti Rêve géorgien, soutient le mouvement de protestation mais ne dispose que de pouvoirs limités. Elle a assuré qu'elle ne quitterait pas ses fonctions comme prévu le 14 décembre.
"Tant qu'il n'y aura pas de nouvelles élections et un Parlement qui élira un nouveau président selon de nouvelles règles, mon mandat se poursuivra", a déclaré la présidente, dans un entretien exclusif à l'AFP.
L'ancienne diplomate française née à Paris a annoncé avoir mis en place samedi un "conseil national" composé de partis d'opposition et de représentants de la société civile, qui assurera "la stabilité dans ce pays".
"Je serai la représentante de cette transition légitime et stable", a-t-elle dit.
Partenariat stratégique "suspendu"
Après le vote d'octobre, un groupe d'observateurs électoraux de Géorgie a déclaré avoir des preuves d'un système complexe de fraude électorale à grande échelle.
Bruxelles a exigé une enquête sur ce qu'elle a qualifié de "graves" irrégularités.
Les députés du Rêve géorgien ont eux voté à l'unanimité jeudi pour que Irakli Kobakhidze reste Premier ministre, alors même que l'opposition boycottait le Parlement.
Le porte-parole du département d'Etat américain, Matthew Miller, a "condamné l'usage excessif de la force contre les Géorgiens exerçant leur liberté de manifester". "Nous avons suspendu notre partenariat stratégique avec la Géorgie", a-t-il ajouté, décrivant la décision concernant l'UE comme une "trahison de la Constitution géorgienne".
La France, le Royaume-Uni, l'Ukraine, la Pologne, la Suède et la Lituanie ont tous exprimé leur inquiétude.
Le bureau des droits de l'homme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a jugé "très préoccupante" l'action des forces de l'ordre "lors de manifestations pacifiques en Géorgie". Elle "constitue une grave violation du droit à la liberté de réunion pacifique".
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